C'est pas de moi j'ai piqué ça sur JOL (
source), mais c'est relativement bien écrit, et assez complet
Par quelle folle dégénérescence en sommes-nous arrivés à ce point ? Je ne comprend même plus mon petit-fils et à peine ses parents. A table un dimanche je tendais une oreille attentive, les neurones tendus à l’extrême, tentant vainement de saisir de quoi ma famille discourrait. Leur conversation n’évoquait pour moi que crissement de craqueleurs et plaintes de bwork.
Je leur demandais quel idiome savant ils utilisaient, mais ne reçu en réponse qu’un rictus goguenard et cette réplique lapidaire : « sa va + vite gdmer ».
C’est en contemplant une carte d’anniversaire envoyée par un neveu que je pris une importante décision. Le bout de carton malhabilement décorés de graines de pandouille et de plumes de piou portait en son cœur ces mots mystèrieux :
« gg pour ton up gdmer ta cb de poil blan ?»
Je ne pouvais laisser grandir un tel abîme d’incompréhension au sein même de ma propre famille. Et puisque visiblement mes petits-enfants étaient trop pressés pour me parler de façon intelligible, ce serait à moi de prendre le minotoror par les cornes.
De ce jour là, je m’attelais à collecter le plus possible d’échantillons de cette langue surgie de nulle part. Tout m’était bon. Je me glissais dans les files d’attente aux ateliers, guettais les groupes d’aventuriers au sortir d’un combat, passais des heures là où le temps est suspendu, zaap, hôtels de vente des ressources, banque, zone où il se dit qu’un jour un gelano est tombé…
J’espérais faire mon beurre à la taverne, où d’habitude se forgent les plus mémorables néologismes avinés. A ma grande stupeur, les clients s’y tenaient passablement alcoolisés, certes, mais encore maîtres d’une langue châtiée et familière à mes vieilles oreilles.
Dans le même temps, je contactais quelques confrères et amis, tous férus de belle langue, et tous naufragés en ce nouvel océan linguistique. Certains qu’à nous tous, nous pourrions circonscrire les limites du SMS.
L’œuvre n’est pas aboutie. Le pourrait-elle d’ailleurs ? cette langue se tortille en tous sens, furète dans les champs lexicaux, s’insinue partout, avide de temps et d’urgence, avalant préfixes et désinences d’une même bouchée gloutonne. Quand nous pensons l’avoir cerné, une nouvelle occurrence jaillit, empruntée à d’autres langues et met à bas notre fragile édifice.
On pourrait blâmer notre naïveté à vouloir définir les contours d’un idiome si protéiforme. Or il apparut assez rapidement que le SMS, pour iconoclaste et révolutionnaire qu’il prétendait être, n’en répondait pas moins à des règles finalement précises.
En douteriez-vous ? Lisez par exemple la phrase suivante :
« n@ / loo ~ rbv 47 ? hh »
A coup sûr cette phrase ne fait aucun sens. « hh » ne vous évoque rien et cependant « bb, cc, gg, ++ » font immédiatement cherrer la bobinette de votre intellect.
Si « x ottt bin vogk 5 » vous laisse perplexe, « lol t bo ta 1 fam » peut aisément se traduire par « Vous me plaisez, mon ami, je serais honorée d’égayer vos vieux jours ».
CQFD, il y a règle.
Aussi plutôt que de courir après l’établissement sans fin d’une liste ouverte de mots glanés à droite à gauche, nous décidâmes de procéder avec stratégie : définir les règles. Comme je l’expliquais à mes compagnons, on ne peut apprendre le football en observant le trajet du ballon, il faut surtout savoir qu’on joue avec les pieds.
Règle première : « tin pass >< sal noob »
Il faut se dépêcher, c’est un fait. Pour aller où ? Qu’importe pourvu qu’on y aille vite.
Aussi la première règle consiste-t-elle à sabrer violemment tous les aérofreins de la langue : doublement de consonnes, accords muets, accents et ponctuations, voire articles et sujets.
On ne dit donc pas « j’ai faim » mais « faim » ou mieux encore « miam ».
Il faut admettre que notre langue à poussé le vice jusqu’à compter un nombre absurdement élevé de graphies différentes pour un même son.
Le son [in] peut s’écrire comme dans main, faim, matin, alun, coing, chien, et j’en passe.
Au diable tout ça, il faudra désormais écrire « in » comme dans « ta du pin ? ».
De même on dira o pour au, u pour ou, é pour ai, ais, ait, aient, és, ées , et.
Se met en place alors une conjugaison bien moins rébarbative du genre : je miam, tu miam, il miam, nous miamon, vous miamé, ils miam.
Et comme les sujets ont tendance à disparaître, on dira uniformément : miam (ou vé miamé, pour plus de dynamique).
Exercice 1 :
Veuillez traduire en SMS les mots suivants :
Copain, quelqu’un, faut,
Tout ce qui peut prêter à confusion sera éliminé. Rappelons-le, pas le temps de réfléchir, allons à l’efficace.
Donc le son [s] qui peut s’écrire comme dans « soin, attention, poinçon ou passion » sera universellement transcrit pas S.
De même le [k] comme dans « quelqu’un combat des koalaks » devra voir la lettre K s’installer en toute place.
Ce qui devrait nous donner :
« kelkun konba d koalak »
Exercice 2 :
Envisagez par quelle lettre peuvent être remplacés les phonèmes suivants :
Bouille, paye ton pain, tu es le meilleur
Le gain de temps est certes appréciable, mais pas encore suffisant pour nos jeunes générations. Une autre brèche d’importance a été battue dans la langue, qui fait gagner de précieuses secondes. J’ai nommé les abréviations.
Allez donc placer un « chouette, j’ai réussi un coup critique contre ce redoutable kanigrou malodorant, et il en est mort » entre deux coups de dagues. Non seulement on se moquera de vous, mais en plus vous passerez stupidement votre tour.
L’aventurier expérimenté se contentera d’un « gg g OS le kani ki pu vek 1 cc ».
20 lettres au lieu de 86, avec le seul concours de quelques abréviations, l’exploit est remarquable.
Le nombre d’abréviations que l’on peut rencontrer est infini. Certaine allant du plus strict minimum ( k, pour « je suis d’accord avec vous », jusqu’à de plus longues accordant quelques lettres au seuil de compréhension : percep pour percepteur.
A noter que l’abréviation n’est pas forcément un acronyme. Si « lol » (préféré à mdr en raison de l’emploi de deux lettres au lieu de trois) est bien l’acronyme de Lots of laugh, « pp » en revanche accorde curieusement l’apparition du p médian de prospection… Allez comprendre…
Exercice 3 :
Complétez les abréviations suivantes :
Bn, np, gg, tt, tkt, dj, fm, ptdr, osef, tal
Règle deuxième : "s’kompliké le semeusseux Oo »
Nous abordons un aspect tout à fait étonnant du SMS. C’est une langue écrite et même tapuscrite (l’économie de langage se traduisant toujours par une économie de gestes sur le clavier, d’où l’attirance nettement prononcée pour les répétitions d’une même touche).
Or cette langue a pour unique objectif de transmettre l’oralité du discours. C’est dire qu’il faut véhiculer tout ce qui dans une conversation participe à l’échange, et bien des signes dépassent les limites du langage : ton, gestes, mimiques du visage, sourire ou froncement de sourcils, direction du regard, etc.
Le SMS réussit cette gageure étonnante de charrier tout cela sans trop s’encombrer de manières. Voyez cette phrase :
« Merci, c’est gentil, mais ça ne suffit pas »
Essayez maintenant de visualiser la tête de celui ou celle qui l’a prononcé… triste n’est-ce pas ? Qu’à cela ne tienne, voyez la version SMS :
« merciiiii c troooo cooooooollll mé sa sufi pooooooo »
Et encore, je l’ai débarrassée des semi-laids pour ne pas risquer l’indigestion.
Alors ? Il est pas trognon le visage du petit féca à qui on vient d’offrir 54 cawotes pour son sort ?
Dans la même veine, on remarque l’occurrence de nombreuses interjections dont la seule présence vise à traduire la quantité plus ou moins importante d’air que peut expulser qui parle. Relevons en vrac : pffff, arf, bouh, roh, raah, hiiii, arg, mouhaha, tsss…
Revenons un instant sur le clavier qui permet de s’exprimer en SMS. Il est un paramètre non négligeable à prendre en compte. Ce que chacun fait d’ailleurs plus ou moins consciemment.
Qu’on ait les doigts plein de confiture, un téléphone douloureusement coincé entre l’oreille et l’épaule, un chat polisson qui ne préfère rien d’autre que votre bureau, du vernis à ongle en train de sécher ou tout simplement l’irrépressible envie d’éternuer à tout va, il nous arrive à tous de faire des fautes de frappe. C’est un peu comme savoir que tout le monde a un chewing-gum dans la bouche, et excuser du coup les défauts de prononciation qui en découlent.
Nous avons dit en préambule que certains assemblages de lettres ne semblaient rien dire, et que d’autres, répondant à nos règles, prenaient sens. Il faut maintenant moduler ce propos eut égards aux dites coquilles.
Voyez l’exemple qui suit :
« mwa ske j’prefette c lz hlace o marrob »
Il s’approche de l’indicible, et pourtant il suffit de peu d’effort pour connaître les habitudes culinaires de notre interlocuteur.
Ce qui aide en la matière, c’est la connaissance de l’ordonnancement des touches sur un clavier, puisque bien souvent la coquille ne frappe que dans la proximité de la touche désirée. Avec un peu de pratique, on reconnaît nos amis canadiens à leur coquilles improbables pour un clavier européen. De la même façon se trahit l’irréductible communauté des utlisateurs de mac.
La frontière est mince cependant. Quand la coquille atteint ces fameuses répétitions de touches qui traduisent notre état émotionnel, on est en droit de rester pantois :
« kikppppp rr l’mond »
Curieusement la coquille ne frappe jamais les semi-laids. Mais je préfère ne pas trop songer aux implications d’une attention visiblement plus soutenue à ceux-ci qu’au reste de la langue.
Règle troisième : « on é pa d brut kan mem »
Le SMS devient factuel, sec, sobre, rapide, efficace, informatif, en un mot totalement dénué de nuances sentimentales.
Or nous sommes des humains, que diable, pas des bworks. Mais comment concilier notre envie irrépressible d’annoncer à tous la tristesse d’avoir raté une cinquantième fois la forgemagie de votre pelle rhon avec l’urgence de vivre évoquée plus haut ?
Voici la solution :
?
J’ai nommé le semi-laid (prononcez vite, la bouche fendue d’une oreille à l’autre en touchant votre nez avec la langue).
Originellement, le semi-laid se lisait en penchant la tête d’un quart de tour vers la gauche. L’habitude sans doute, et trop de névralgies cervicales sûrement, on fait que l’on voit apparaître des graphies lisibles de face.
Là encore, seule l’imagination semble borner le champ des possibles. Le décryptage se fait sans trop de gêne. Il y a juste une attention particulière à porter à ce qu’ on appelle la question d’échelle.
? ,:/ XD par exemple se lisent en considérant les yeux et la bouche.
\o/ et /o\ désignent la tête et les bras.
Il y en a de plus petits : >< et Oo concernant les yeux, ^^ juste les sourcils, p la bouche, et de plus grands : !!!!!!!!!!!!!!!!!!! désignant couramment une forte troupe de miliciens patrouillant le long des murailles de Bonta ou de Brackmar.
Le résultat est qu’en deux ou trois petits caractères, tout un chacun peut exprimer le plus profond de son être sans crainte de rester incompris.
Si on vous interroge :
« Sa va ? »
et que vous répondez
« Sa va »
Rien de bien intéressant ne peut émerger par la suite.
Répondez plutôt :
« Sa va:/ »
Aussitôt l’autre s’inquiètera du malaise qui visiblement vous étreint par un délicat :
« kigna ? »
Et vous pourrez tout à loisir lui taxer 500 kamas ou lui raconter comment vous avez échoué à forgemager pour la cinquantième fois la susdite pelle rhon.